Raphaël Gaillard, professeur de psychiatrie à l’Université Paris Cité, a officiellement été reçu sous la Coupole de l’Académie française le jeudi 22 mai 2025. À 47 ans, il devient l’un des plus jeunes membres élus dans l’histoire de l’institution.

© Académie Française
Professeur de psychiatrie à l’Université Paris Cité et chef du pôle hospitalo-universitaire de l’hôpital Sainte Anne, Raphaël Gaillard est l’auteur de plus de 150 publications scientifiques. Il a poursuivi des travaux de recherches en neurosciences cognitives et computationnelles, sur la participation de processus inflammatoires aux troubles psychiques et a développé un modèle cognitif de la schizophrénie. Il préside également la Fondation Pierre Deniker, qui œuvre pour la recherche en santé mentale et une meilleure connaissance des troubles psychiques par le grand public. Son ouvrage Un coup de hache dans la tête. Folie et créativité avait déjà été salué par l’Académie française en 2022 par le Prix Jacques de Fouchier.
Que représente pour vous cette distinction, qui honore à la fois votre parcours scientifique et votre engagement pour la langue française ?
Au delà de ma personne, il faut considérer que c’est une distinction des médecins dans leur ensemble. Pour travailler à un dictionnaire, il ne faut pas que des romanciers, il faut aussi des académiciens capables de comprendre les mots issus des sciences. C’est le sens de la présence d’un médecin à l’Académie française, de Félix Vicq d’Azyr à Yves Pouliquen pour ce qui est du dernier, en passant par Henri Mondor, Jean Hamburger, Jean Bernard et Jean Delay. C’est aussi l’idée que la médecine se situe au carrefour entre sciences et littérature. Un médecin est un scientifique, et dans le même temps l’essentiel des diagnostics sont posés à partir du récit des patients, or rien n’éduque mieux à l’écoute d’un récit que la littérature.
Comment articulez-vous votre travail en neurosciences et votre nouvelle fonction à l’Académie, lieu du langage par excellence ?
Il se trouve que très tôt j’ai travaillé sur le langage. Au travers de la caractérisation de l’aire dite de la forme visuelle des mots, dans le cortex occipito-temporal gauche, qui permet de regrouper très rapidement des lettres entre elles sous la forme d’un mot, et qui est recyclée dans notre cerveau pour cette expertise qu’est la lecture. Au travers également de l’utilisation de mots présentés dans des conditions subliminales masquées, donc non consciemment perçus, pour démontrer que nous accédons inconsciemment au sens des mots, et surtout pour mettre en évidence la dynamique cérébrale qui signe l’accès à la conscience lorsque ces mots sont progressivement démasqués. Cet intérêt pour le langage est renouvelé par le fait que c’est ce dernier qui a rendu intelligent des réseaux de neurones dans les IA génératives. Ainsi j’ai l’impression que mes objets de recherche convergent vers ce lieu du langage qu’est l’Académie française.
Comment cette reconnaissance peut-elle inspirer ou renforcer les missions d’enseignement et de recherche que vous conduisez à l’Université Paris Cité et au GHU ?
Je suis heureux de cet effet de convergence, au travers de la médecine, à la fois scientifique et littéraire, et au travers des sciences, qui permettent de comprendre ce qui dans un cerveau, fût-il artificiel, permet le plein déploiement du langage et en révèle le pouvoir. C’est aussi et peut-être avant tout un enjeu de transmission. Tout pousse à l’ultra spécialisation, alors que la complexité de notre monde nécessite au contraire d’avoir plusieurs cordes à son arc. Je suis très attaché à définir ce qui permet à de jeunes cerveaux, celui des enfants, de naviguer le plus sereinement possible avec la technologie, ce qui doit les y préparer. Et cette question ne se limite pas à l’enfance, elle est cruciale pour les étudiants de notre université, au sein de laquelle nous devons d’urgence repenser les modalités d’enseignement dans le contexte du déferlement de l’IA. Il faudrait pour cela commencer par comprendre qu’un apprentissage ne vise pas une compétence ou des connaissances, mais plutôt à donner forme à notre cerveau. « Forger son âme plutôt que la meubler », écrivait déjà Montaigne.
Enfin, l’épée des académiciens étant une œuvre unique, comment avez-vous pensé la vôtre ? Y a-t-il un détail ou un symbole qui vous tient particulièrement à cœur ?
Il y a deux choix possibles. Solliciter un joaillier ou choisir une épée ancienne. Je ne me voyais pas porter un bijou, et j’ai donc choisi une épée du modèle 1817, c’est-à-dire Restauration, forgée en 1872, c’est-à-dire au lendemain du Second Empire. Entre autres symboles, j’y ai fait graver la chouette athénienne, symbole du savoir, et j’ai fait orner la chape d’un scarabée : symbole d’humilité, et symbole qui était posé sur le coeur du défunt dans la tradition funéraire égyptienne, pour affronter la psychostasie, la pesée de l’âme, qui devait se révéler plus légère qu’une plume. La citation gravée sur l’épée est celle qui donne son titre au Nom de la rose, le roman d’Umberto Eco : Stat Rosa pristina nomina, nomina nuda tenemus. Il s’agit dans la querelle entre les réalistes et les nominalistes, querelle vive au Moyen-Âge, de prendre parti pour les seconds. La rose première n’existe plus que par son nom, et nous ne tenons que des noms vides, ces mots qui désignent les choses et qui leur donnent ainsi leur existence dans nos esprits. Autout de ce qui nous permet de créer le monde en pensée, ce pouvoir formidable dont disposent les homo sapiens mais ce qui les exposent à se fourvoyer, à dériver, délirer et parfois se perdre.
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