Dans une étude menée par l’IPGP, le CNRS et Université Paris Cité, et publiée le 30 octobre 2020 dans Science Advances, une équipe scientifique internationale a montré qu’il y a 4,4 milliards d’années, la jeune atmosphère martienne était suffisamment chaude pour maintenir de l’eau à l’état liquide. L’analyse d’une météorite martienne a révélé que l’oxydation de la croûte de Mars liée aux nombreux impacts que subissait la planète aurait pu induire, par effet de serre, un réchauffement de l’atmosphère malgré un Soleil plus faible qu’aujourd’hui.

De nombreuses preuves géomorphologiques provenant des observations faites par des missions spatiales montrent que de l’eau liquide coulait à la surface de Mars très tôt dans l’histoire de la planète (il y a plus de 3,7 milliards d’années). Cependant, cette présence d’eau liquide reste une énigme, puisqu’à cette époque notre Soleil était 30 % plus faible en terme de production d’énergie qu’il ne l’est aujourd’hui et ne réchauffait pas suffisamment la planète rouge pour y maintenir de l’eau à l’état liquide. Cette question, qui se pose aussi pour la Terre, est connue sous le nom du « paradoxe du jeune Soleil faible ».
Les modèles développés jusqu’à présents proposaient un réchauffement de l’atmosphère de Mars lié au dégazage de gaz à effet de serre par du magmatisme intense. Mais la validation de ces modèles se heurte à la rareté d’échantillons martiens anciens. Cependant, en attendant le retour d’échantillons des missions spatiales, il est déjà possible d’étudier quelques roches martiennes grâce aux météorites.
Une météorite intéresse plus particulièrement les scientifiques : la météorite martienne NWA 7533, aussi surnommée « Black Beauty ». Cette météorite, fragment de roches martiennes éjecté lors d’un impact, est arrivée sur Terre après un long voyage interplanétaire et a été découverte en 2011 au Maroc. “Black Beauty” se révèle unique (parmi les quelques 300 météorites martiennes trouvées jusqu’à présent) par sa composition chimique similaire aux roches de l’hémisphère sud de Mars, et aussi par le fait qu’elle contienne les plus anciens fragments de la croûte de Mars connus, pouvant remonter à 4,4 milliards d’années.
En examinant cette météorite particulière, des scientifiques d’Université Paris Cité, de l’IPGP et du CNRS avec leurs collègues des universités de Bretagne Occidentale, de Copenhague et de Tokyo, ont trouvé des indices sur le mécanisme qui aurait permis de maintenir un climat chaud à la surface de Mars pendant la période du « jeune Soleil faible ».
En appliquant de nouveaux outils chimiques et isotopiques développés à l’institut de physique du globe de Paris, les scientifiques ont découvert que les anciens fragments de la croûte martienne ont été formés lors de puissants impacts que la jeune planète a connus et que ces fragments ont subi une oxydation progressive au cours de leur refroidissement.
Ils ont, pour la première fois, analysé les abondances isotopiques du titane contenu dans les fragments de croûte de la météorite, et observé que les processus ayant conduit à leur composition particulière portent la signature d’une fusion et oxydation par impact.
Parallèlement, l’analyse isotopique de l’oxygène contenu dans les différentes inclusions de la météorite montre une évolution de l’oxydation au cours du temps et confirme ainsi l’hypothèse d’une oxydation de la croûte liée à une fusion par impacts en présence d’eau, déjà présente sous forme de glace ou apportée par les impacteurs.
L’étude, publiée le 30 octobre dans Science Advances, explique aussi que cette oxydation précoce de la croûte martienne par de l’eau a entrainé la libération de dihydrogène (H2) gazeux dans l’atmosphère martienne. Une quantité élevée de H2, gaz à effet de serre, dans une atmosphère épaisse de CO2 (comme celle de Mars) a, en réaction, entrainé un réchauffement de la surface de Mars de plusieurs dizaines de degrés.
Alors que le réchauffement transitoire de la planète dû à l’énergie cinétique liée aux impacts ne dure que quelques années, les effets de serre associés aux processus d’impacts peuvent induire des climats chauds, propices à la présence d’eau liquide, qui peuvent se maintenir des dizaines de millions d’années et ce malgré un « jeune Soleil faible ».
Cette étude apporte ainsi un argument solide à l’hypothèse d’une croûte martienne primitive refondue par des impacts, ainsi qu’à celle d’un réchauffement par effet de serre permettant l’écoulement d’eau liquide sur Mars il y a plus de 4 milliards d’années.
> Référence :
Z. Deng, F. Moynier, J. Villeneuve, N. K. Jensen, D. Liu, P. Cartigny, T. Mikouchi, J. Siebert, A. Agranier, M. Chaussidon, M. Bizzarro, Early oxidation of the martian crust triggered by impacts. Sci. Adv. 6, eabc4941 (2020). https://advances.sciencemag.org/content/6/44/eabc4941
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